L’effet déclaratif du partage, posé par l’article 883 du Code civil, repose sur une fiction juridique selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, tout en n’ayant jamais eu de droits sur ceux échus à ses coindivisaires. Ce principe, qui exclut toute idée de transmission de droits entre indivisaires, vise à garantir l’égalité entre les copartageants et à préserver la sécurité juridique des actes accomplis sur les biens indivis avant leur attribution définitive.
Si l’effet déclaratif s’applique traditionnellement au partage successoral, il ne se limite pas à cette hypothèse. Il régit également les partages de communauté conjugale, les partages d’indivision conventionnelle ou encore la liquidation des sociétés dans les cas où les associés se partagent les biens sociaux. Toutefois, son domaine d’application est encadré : il convient d’en préciser les limites, tant au regard des actes concernés que des biens susceptibles d’être soumis à ce régime, ainsi que les tempéraments qu’il connaît, notamment pour la protection des tiers.
A) Domaine quant aux actes
1. Le partage proprement dit
a. L’indifférence de la nature du partage
L’effet déclaratif du partage concerne tout partage successoral, qu’il soit amiable ou judiciaire, global ou partiel. Cette application découle directement de l’insertion de l’article 883 au sein du titre des successions du Code civil, affirmant ainsi son champ d’application privilégié aux partages successoraux.
Cependant, ce principe ne se limite pas aux successions et s’étend aux partages de communauté en vertu du renvoi opéré par l’article 1476 du Code civil. Cette disposition aligne expressément les règles du partage de communauté sur celles du partage successoral, permettant ainsi d’appliquer sans difficulté l’effet déclaratif (V. Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n° 99-10.515).
Le partage des biens indivis entre époux séparés de biens bénéficie également de cette extension législative. Bien que la jurisprudence ait initialement refusé d’appliquer les règles du partage successoral aux partages opérés après séparation de biens (Cass. civ., 9 mars 1965), la loi du 11 juillet 1975 a unifié le régime du partage des biens indivis entre époux séparés de biens avec celui des successions (art. 1542 C. civ.). Il en résulte que ces partages bénéficient pleinement de l’effet déclaratif, ce que la jurisprudence a confirmé par la suite (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.011).
L’effet déclaratif s’applique également au partage de l’actif social, dès lors que la liquidation de la société est engagée. En effet, l’article 1844-9, alinéa 2, du Code civil prévoit l’application des règles du partage successoral aux partages de sociétés. Toutefois, cette assimilation n’est possible qu’à condition qu’il s’agisse bien d’un véritable partage et non d’une réduction de capital par répartition de biens sociaux (Cass. com., 23 sept. 2008, n°07-12.493).
Enfin, l’application de l’article 883 du Code civil ne se limite pas aux partages successoraux ou conjugaux et concerne toute indivision, qu’il s’agisse d’un partage d’un bien indivis acquis par plusieurs personnes (Cass. req., 28 avr. 1840) ou d’un partage d’un ensemble patrimonial constituant une universalité (Cass. 1re civ., 24 mars 1981).
b. L’indifférence des modalités du partage
Le principe de l’effet déclaratif du partage s’attache à tout partage définitif, qu’il soit total ou partiel (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146). En d’autres termes, ce qui importe n’est pas l’étendue du partage mais le fait qu’il mette un terme à l’indivision, en fixant définitivement les droits privatifs des copartageants sur les biens répartis. Dès lors, les modalités d’attribution des lots sont indifférentes : l’effet déclaratif ne varie ni en fonction du mécanisme d’allotissement, ni selon la nature de la répartition opérée.
Aussi, le partage peut s’effectuer selon plusieurs procédés, sans que cela n’altère son effet déclaratif :
- Le tirage au sort, qui constitue une méthode ordinaire d’attribution des lots lorsque les copartageants n’ont pas convenu d’une répartition amiable. Il a été jugé que le fait d’attribuer les biens selon un tirage au sort n’ôtait en rien au partage son caractère déclaratif (Cass. soc., 3 oct. 1958).
- L’attribution préférentielle, qui permet à un indivisaire d’obtenir un bien particulier en raison d’un intérêt spécifique (par exemple, l’attribution du logement familial au conjoint survivant). La jurisprudence a confirmé que l’effet déclaratif s’applique également à ces attributions spécifiques, lesquelles sont réputées exister depuis l’origine de l’indivision (CA Paris, 10 févr. 1977).
- Le droit de retour légal, qui permet à certains héritiers de récupérer des biens précédemment donnés par le défunt. L’effet déclaratif du partage s’étend également à ce mécanisme, de sorte que l’héritier bénéficiaire du droit de retour est censé n’avoir jamais perdu la propriété du bien en cause (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).
La question se pose avec acuité lorsqu’un partage est accompagné du versement d’une soulte, c’est-à-dire lorsqu’un copartageant reçoit un lot d’une valeur supérieure à sa part théorique et doit indemniser les autres en conséquence. L’on aurait pu estimer que la soulte confère au partage un caractère translatif, en ce que le copartageant bénéficiant d’un lot excédentaire en nature l’acquerrait en contrepartie d’une compensation financière versée aux autres. Toutefois, la jurisprudence a adopté une approche radicalement opposée.
En effet, les lots et les soultes sont considérés comme issus de la masse indivise et non des copartageants entre eux. Ainsi, même lorsqu’un indivisaire perçoit une soulte, il n’est pas juridiquement en situation d’acquérir une part supplémentaire à ses coindivisaires ; il se voit simplement allouer un lot dont il est réputé propriétaire depuis l’origine, la soulte n’étant qu’un ajustement financier (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).
Ce raisonnement est fondamental en pratique, car il empêche toute remise en cause rétroactive des droits sur les biens attribués. Par exemple, un bien immobilier inclus dans un lot assorti d’une soulte est censé avoir toujours appartenu à l’indivisaire attributaire, et ce, depuis l’ouverture de la succession ou de l’indivision initiale. Il en résulte notamment :
- L’absence de taxation comme une mutation : en droit fiscal, les partages avec soulte échappent au régime des mutations à titre onéreux lorsqu’ils s’inscrivent dans une indivision successorale ou conjugale (CGI, art. 748).
- L’inopposabilité des créanciers des coindivisaires : puisqu’il n’y a pas eu transmission entre les indivisaires, un créancier hypothécaire ne saurait revendiquer un droit de gage sur le bien attribué à un copartageant, même si celui-ci avait des dettes avant le partage.
- L’imputation des garanties et des servitudes : en raison de l’effet rétroactif du partage, les droits réels grevant un bien suivent l’attributaire de manière continue, comme si celui-ci en avait toujours été propriétaire.
c. L’exclusion du partage provisionnel
Le partage provisionnel se distingue du partage définitif en ce qu’il ne met pas fin à l’indivision, mais organise temporairement la jouissance des biens indivis. Par conséquent, il ne peut bénéficier de l’effet déclaratif qui s’attache aux partages définitifs. Cette exclusion découle de la nature même du partage provisionnel, lequel se borne à répartir l’usage des biens sans en modifier la répartition patrimoniale.
A cet égard, l’effet déclaratif du partage repose sur l’idée que chaque indivisaire est censé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Or, cette logique est incompatible avec le partage provisionnel, qui ne détermine pas définitivement l’attribution des biens, mais se limite à aménager leur utilisation pendant la durée de l’indivision.
Ainsi :
- Le partage provisionnel ne transfère aucun droit privatif définitif : il ne fait que répartir l’occupation ou l’exploitation des biens entre les indivisaires, sans leur attribuer une propriété exclusive.
- Les attributions restent réversibles : contrairement au partage définitif, où chaque indivisaire devient rétroactivement propriétaire de son lot, le partage provisionnel n’a pas vocation à cristalliser des droits patrimoniaux définitifs.
- L’indivision persiste intégralement : aucun des biens ne cesse d’être indivis, ce qui empêche la fixation des droits privatifs exigée pour l’effet déclaratif (Cass. civ., 28 juill. 1947).
Dès lors, appliquer l’effet déclaratif à un partage provisionnel reviendrait à définitivement établir des droits sur un bien alors que le partage lui-même reste réversible, ce qui serait contraire à l’économie du régime de l’indivision.
Aussi, la jurisprudence a toujours refusé d’appliquer l’effet déclaratif au partage provisionnel. La Cour de cassation l’a notamment affirmé en jugeant que le partage provisionnel ne constitue qu’une organisation temporaire de l’indivision, sans incidence sur la propriété des biens (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975). La doctrine est également unanime : un partage n’a d’effet déclaratif que s’il met fin à l’indivision et opère une répartition irrévocable des biens.
A titre d’illustration, les conventions d’indivision temporaire conclues entre les indivisaires, qui visent à organiser l’exploitation des biens pour une durée déterminée, n’entraînent aucune modification des droits de propriété des parties. Ces conventions permettent uniquement de fixer les modalités d’usage des biens, sans véritablement réaliser l’attribution de droits réels.
À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 octobre 2004 (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968) illustre parfaitement la distinction entre un véritable partage et un simple aménagement conventionnel. En l’espèce, il s’agissait d’une cession de droits indivis sur un fonds de commerce, incluant un droit au bail, opérée entre deux coïndivisaires preneurs. Les bailleurs prétendaient que cette cession constituait une mutation soumise aux formalités prévues par le contrat de bail, à savoir l’exigence d’un accord exprès du bailleur.
Or, la Cour de cassation a rejeté cet argument, en affirmant que tout acte mettant fin à une indivision est un partage. En l’espèce, la cession de droits indivis réalisée entre coïndivisaires ne constituait pas une mutation ordinaire mais bien un partage, bénéficiant de l’effet déclaratif prévu par l’article 883 du Code civil. Par conséquent, le copartageant attributaire des droits cédés était censé en être propriétaire depuis l’origine de l’indivision, et les formalités de cession exigées par le contrat de bail n’étaient pas applicables.
Cet arrêt vient ainsi rappeler que l’effet déclaratif ne peut être reconnu qu’aux actes mettant un terme définitif à l’indivision. En revanche, les conventions d’indivision temporaire, qui organisent simplement l’usage des biens indivis, restent en dehors de ce régime. Elles ne modifient en rien les droits des indivisaires et ne peuvent être assimilées à un partage, qu’il soit amiable ou judiciaire.
L’exclusion de l’effet déclaratif a également des conséquences en matière fiscale. Contrairement à un partage définitif, qui entraîne une individualisation des droits et peut générer des conséquences fiscales spécifiques (droits de partage, taxation des soultes, etc.), le partage provisionnel est neutre fiscalement. Puisqu’il ne modifie pas les droits de propriété, il n’est pas assimilé à une mutation et ne déclenche donc pas d’imposition comme le ferait un partage définitif (V. CGI, art. 747 et 748, sur la taxation des partages définitifs).
Un autre corollaire de l’exclusion de l’effet déclaratif concerne les sûretés. Lorsqu’un indivisaire obtient un bien dans le cadre d’un partage définitif, les droits réels attachés au bien sont maintenus et les hypothèques, par exemple, suivent l’attributaire du bien. En revanche, dans un partage provisionnel, les créanciers ne peuvent se prévaloir d’une fixation définitive des droits de chaque indivisaire, ce qui leur interdit de revendiquer une hypothèque sur un bien qui aurait été temporairement attribué à un indivisaire.
De même, un indivisaire ne peut constituer une sûreté sur un bien qu’il détient à titre provisoire dans le cadre d’un partage provisionnel, puisque son droit d’usage n’implique pas un droit patrimonial définitif.
2. La licitation
L’opération de licitation, consistant à mettre aux enchères un bien indivis, constitue un mode de sortie de l’indivision dont les effets varient selon la qualité de l’adjudicataire. Lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation produit un effet déclaratif, assimilable à une attribution classique dans un partage. En revanche, lorsque l’adjudication intervient au profit d’un tiers étranger à l’indivision, l’effet est translatisif, et l’opération est juridiquement assimilée à une vente.
a. La licitation au profit d’un indivisaire
L’article 883, alinéa 1er, du Code civil énoncé expressément le principe selon lequel un bien indivis adjugé à un coïndivisaire est réputé lui avoir toujours appartenu. La licitation au profit d’un indivisaire n’est donc pas une vente ordinaire : elle s’apparente à un partage et produit, à ce titre, un effet déclaratif.
Autrement dit, l’indivisaire adjudicataire est censé avoir toujours détenu le bien à titre exclusif, tandis que les autres indivisaires sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur celui-ci, mais seulement sur la somme qui leur revient en contrepartie (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146).
L’effet déclaratif attaché à la licitation s’impose indépendamment des circonstances entourant son déroulement.
Ainsi :
- Peu importe que l’adjudication soit amiable ou judiciaire : la licitation peut résulter d’un accord entre indivisaires ou être imposée par justice à la demande d’un créancier ou d’un indivisaire souhaitant sortir de l’indivision (Cass. req., 22 févr. 1881).
- Peu importe que les enchères soient libres ou encadrées : l’effet déclaratif demeure inchangé, la licitation n’étant qu’un moyen d’évaluer la valeur du bien attribué au copartageant adjudicataire.
- Peu importe la situation de l’adjudicataire : qu’il soit héritier pur et simple ou acceptant à concurrence de l’actif net, la licitation produit le même effet déclaratif (Cass. civ., 12 août 1839).
L’effet déclaratif trouve sa justification dans la nature même de la licitation au profit d’un indivisaire. En attribuant le bien licité à l’adjudicataire, l’opération produit un résultat identique à celui d’un partage ordinaire : elle met fin à l’indivision sur le bien concerné et attribue à chaque indivisaire une contrepartie équivalente à ses droits. Dès lors, la licitation, quelle qu’en soit la modalité, est traitée comme un partage avec soulte (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830).
Dans ce schéma, l’indivisaire adjudicataire conserve les droits réels qu’il a pu constituer sur le bien licité avant l’opération. En revanche, les droits réels constitués par les autres indivisaires, désormais privés de tout droit sur le bien, sont réputés n’avoir jamais existé. C
L’assimilation à un partage de la licitation opérée au profit d’un copartageant n’est pas sans incidences en matière de sûretés :
- Les droits réels constitués sur l’immeuble par l’adjudicataire demeurent valables, puisqu’il est censé en avoir toujours été propriétaire (Cass. 1re civ., 26 avr. 1955).
- En revanche, ceux établis par les indivisaires ayant reçu le prix de licitation tombent rétroactivement, car ils sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur le bien.
Un cas particulier mérite d’être envisagé : celui de la licitation assortie d’une clause d’attribution. Cette clause, fréquemment insérée dans les cahiers des charges des ventes judiciaires, prévoit que si l’adjudicataire est un coïndivisaire, il ne sera pas immédiatement déclaré propriétaire du bien, mais celui-ci lui sera attribué lors du partage définitif.
À la différence d’une licitation ordinaire, cette stipulation empêche l’effet déclaratif de se produire immédiatement. Le bien demeure indivis jusqu’au partage, et l’adjudicataire ne peut ni en disposer librement, ni s’opposer à l’exercice des droits des autres indivisaires sur celui-ci (Cass. 1re civ., 4 mai 1983, n° 82-11.928). En conséquence, toute cession réalisée par l’adjudicataire avant le partage est inopposable aux autres indivisaires, qui conservent leur droit de regard sur le bien.
Ce mécanisme a également des implications en matière de lésion. Contrairement à un partage ordinaire, qui ouvre droit à une action en complément de part, une licitation avec clause d’attribution ne peut être contestée pour cause de lésion qu’au moment du partage définitif (Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n°94-21.387).
Toutefois, l’effet déclaratif redevient pleinement opérant dès lors que la clause est exécutée, c’est-à-dire lorsque l’attributaire du bien règle le prix aux autres indivisaires et entre en possession du bien. Dans ce cas, l’opération est assimilée à un partage partiel, et l’adjudicataire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif du bien (Cass. 1re civ., 21 févr. 1989, n° 87-16.287).
Enfin, le prix versé par l’adjudicataire aux autres indivisaires n’est pas une simple contrepartie financière : il prend la nature d’une soulte. Dès lors, il est soumis aux règles applicables aux créances issues d’un partage, notamment en matière de revalorisation (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830). Si le paiement du prix est différé, la somme due aux coïndivisaires subit les ajustements prévus par l’article 828 du Code civil.
En outre, cette créance ne peut être assimilée à un bien indivis, de sorte que les sûretés prises sur l’immeuble par les coïndivisaires non adjudicataires tombent, tandis que celles constituées par l’adjudicataire sont maintenues. Cette solution découle de la nature même de l’effet déclaratif, qui opère une reconstitution rétroactive des droits de propriété (Cass. civ., 26 avr. 1955).
b. La licitation au profit d’un tiers
Lorsqu’un bien indivis est adjugé à un tiers étranger à l’indivision, la licitation perd son effet déclaratif et revêt la nature d’une vente classique. Contrairement à la licitation au profit d’un indivisaire, qui s’analyse comme un partage partiel avec rétroactivité, la licitation à un tiers opère un transfert de propriété entre les indivisaires et l’adjudicataire, conformément aux règles ordinaires de la vente (Cass. civ., 14 mars 1950).
Ce changement de qualification emporte des conséquences majeures sur les droits et obligations des parties, notamment en matière de garanties, d’enregistrement et d’opposabilité aux tiers.
En premier lieu, l’adjudication réalisée au profit d’un tiers entraîne un transfert immédiat de propriété. Dès l’adjudication, le bien quitte le patrimoine indivis pour entrer dans celui de l’acquéreur. Ce transfert doit être publié au service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers, conformément aux règles applicables aux mutations immobilières (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28 et 30).
En conséquence :
- L’adjudicataire acquiert le bien directement des coïndivisaires, et non par transmission successorale (Cass. civ., 7 juin 1899).
- L’acte doit être publié pour être opposable aux tiers et garantir l’efficacité du transfert (Cass. civ., 14 mars 1950).
- Les droits des créanciers inscrits sur le bien sont maintenus, mais peuvent faire l’objet d’une purge par l’adjudicataire (Cass. civ., 2 juill. 1925).
Dès lors que la licitation a un effet translatif, elle échappe à la rétroactivité attachée au partage. L’adjudicataire est un acquéreur ordinaire, qui achète un bien aux indivisaires sans bénéficier des prérogatives d’un héritier (Cass. civ., 14 mars 1950). À ce titre, il peut purger les hypothèques inscrites sur le bien, sans avoir à se soucier de leur éventuelle disparition par effet déclaratif (Cass. civ., 2 juill. 1925).
En deuxième lieu, dans le cadre d’une licitation à un tiers, les indivisaires sont tenus aux obligations ordinaires des vendeurs. À ce titre, ils doivent garantir à l’adjudicataire :
- La garantie d’éviction et des vices cachés (Cass. soc., 19 févr. 1959). L’acquéreur doit être protégé contre toute revendication ultérieure portant atteinte à sa propriété, ainsi que contre les défauts cachés du bien.
- L’obligation de délivrance conforme, qui impose aux indivisaires de remettre le bien dans l’état convenu lors de l’adjudication.
- L’obligation de paiement du prix, l’adjudicataire pouvant être poursuivi en cas de non-paiement par une action en résolution de la vente (art. 1654 C. civ.).
La licitation au profit d’un tiers étant une vente et non un partage, elle est soumise à la rescision pour lésion de plus de sept douzièmes (art. 1674 C. civ.), qui permet à un vendeur de demander l’annulation de la vente si le prix est manifestement insuffisant. En revanche, l’adjudication ne peut être contestée sur le fondement de l’action en complément de part prévue en matière de partage (art. 889 C. civ.).
En troisième lieu, bien que la licitation emporte un effet translatif vis-à-vis de l’adjudicataire, elle conserve dans les rapports entre coïndivisaires la nature d’une opération préliminaire au partage. Ce n’est pas la licitation elle-même qui opère le partage, mais la répartition ultérieure du prix d’adjudication entre les indivisaires (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907).
En d’autres termes :
- Le bien indivis est vendu, mais la créance du prix de vente remplace l’immeuble dans la masse successorale.
- Ce n’est qu’au moment du partage du prix que s’applique l’effet déclaratif : l’indivisaire auquel est attribué tout ou partie du prix est réputé avoir toujours détenu cette somme à titre exclusif.
- Les sûretés constituées sur le bien avant la licitation continuent d’exister sur la créance du prix, sauf purge exercée par l’acquéreur (Cass. civ., 2 juill. 1925).
Cette situation emportent des conséquences en matière d’hypothèques:
- Si un indivisaire a hypothéqué sa part dans le bien indivis avant la licitation, son créancier pourra exercer son droit de préférence sur sa quote-part dans la créance d’adjudication.
- Si l’effet déclaratif était appliqué directement à la licitation, le prix aurait été attribué à un seul coïndivisaire, faisant disparaître rétroactivement les droits des autres indivisaires, ce qui aurait lésé les créanciers (Cass. civ., 14 déc. 1887).
La jurisprudence a donc précisé que l’effet déclaratif ne peut s’appliquer qu’au moment du partage du prix et non au moment de la vente du bien (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907). Cela signifie que, jusqu’au partage, chaque indivisaire conserve un droit indivis sur la créance du prix de vente, et peut demander sa quote-part avant que l’attribution finale ne soit fixée.
En dernier lieu, lorsque la licitation est réalisée au profit d’un indivisaire et d’un tiers, les effets de l’adjudication sont partagés entre ces deux logiques :
- Pour la part attribuée à l’indivisaire, l’effet déclaratif s’applique : il est réputé avoir toujours détenu sa part du bien.
- Pour la part attribuée au tiers, l’effet translatif s’impose : il acquiert la propriété du bien par l’effet d’un transfert ordinaire de droits réels (Cass. civ., 23 juill. 1912).
Ce système peut soulever des difficultés pratiques, notamment en matière de garanties. La Cour de cassation a ainsi précisé que l’hypothèque légale du vendeur, prise par les coïndivisaires pour garantir le paiement du prix de licitation, n’est pas opposable aux créanciers personnels de l’héritier adjudicataire (Cass. civ., 23 juill. 1912).
3. Les autres actes mettant fin à l’indivision
L’effet déclaratif du partage ne s’attache pas exclusivement aux opérations qualifiées de partage stricto sensu. Il s’étend à tout acte ayant pour conséquence de mettre un terme à l’indivision, dès lors que celui-ci aboutit à l’allotissement d’un indivisaire. Issu de la loi du 31 juillet 1976 l’article 883, alinéa 2, du Code civil confère explicitement un effet déclaratif à “tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision”. Ainsi, au-delà du partage et de la licitation, plusieurs opérations peuvent revêtir ce caractère.
a. Les cessions de droits indivis entre indivisaires
i. Principe
La cession de droits indivis entre coïndivisaires a toujours été assimilée à une opération de partage, dès lors qu’elle met fin à l’indivision en ce qui concerne le cédant. Dès le XIXe siècle, la jurisprudence a reconnu que de telles cessions devaient bénéficier de l’effet déclaratif (Req. 3 mars 1807). Cette assimilation repose sur la logique même du partage : l’indivisaire cessionnaire est réputé avoir toujours été seul propriétaire des droits cédés, tandis que le cédant est censé avoir toujours détenu, en contrepartie, la somme perçue en paiement.
L’analogie avec le partage est encore plus évidente lorsque la cession est effectuée à titre onéreux. Dans ce cas, elle aboutit à un allotissement semblable à celui réalisé par une licitation ou un partage avec soulte. Le cessionnaire reçoit la part indivise du cédant en échange d’une somme d’argent, ce qui s’analyse à une opération de liquidation de l’indivision. Pour cette raison, la jurisprudence considère que l’effet déclaratif a pleinement vocation à jouer pour ces opérations (Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-13.267).
Cependant, l’application de l’effet déclaratif suppose que la cession porte bien sur des droits indivis. Si les droits cédés ne sont pas indivis, l’effet déclaratif ne peut être invoqué. Ainsi, lorsqu’un usufruitier cède ses droits aux nus-propriétaires, alors même qu’aucune indivision n’existe entre eux, la cession est une simple mutation patrimoniale et ne saurait être assimilée à un partage (Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n°85-10.780).
ii. Exceptions
Bien que la cession de droits indivis entre coïndivisaires bénéficie en principe de l’effet déclaratif, certaines situations échappent à cette règle.
==>L’exclusion des cessions à titre gratuit
La jurisprudence refuse de reconnaître un effet déclaratif aux cessions de droits indivis réalisées à titre gratuit. La raison en est simple : l’absence de contrepartie prive l’opération de la logique d’allotissement inhérente au partage.
Contrairement à une licitation ou à un partage avec soulte, où les indivisaires bénéficient d’une compensation en valeur, une donation entraîne une transmission patrimoniale unilatérale, sans redistribution équitable des droits successoraux. Dès lors, elle est considérée comme une mutation translative et non comme un partage.
==>La cession à un tiers
Autre exception notable, la cession de droits indivis à un tiers ne produit pas d’effet déclaratif dans les rapports entre les indivisaires et l’acquéreur. Une telle opération revêt la nature d’une véritable vente et non d’un partage.
L’acquéreur, étant étranger à l’indivision, n’est pas réputé avoir toujours été propriétaire des droits cédés. Toutefois, l’effet déclaratif peut s’appliquer entre les indivisaires eux-mêmes, sous réserve que le prix de la cession soit réparti entre eux selon leurs droits respectifs.
Dans cette hypothèse, la cession amiable d’un bien indivis à un tiers est assimilée à une licitation dans ses effets entre les coïndivisaires, mais elle conserve un effet translatif vis-à-vis de l’acquéreur (Cass. civ. 7 févr. 1949).
b. La vente amiable d’un bien indivis à un coïndivisaire
La vente d’un bien indivis à l’un des coïndivisaires, réalisée avec l’accord de l’ensemble des indivisaires, constitue une illustration notable de l’extension de l’effet déclaratif. Bien qu’elle prenne la forme d’une vente, cette opération est assimilée à un partage en raison de son résultat : l’indivisaire acquéreur devient pleinement propriétaire du bien, tandis que les autres indivisaires perçoivent une somme d’argent en contrepartie de leur renonciation à leurs droits indivis.
Ainsi, dans sa finalité, cette vente équivaut à une attribution dans le cadre d’un partage avec soulte. Par conséquent, elle doit être traitée comme un partage et bénéficie de l’effet déclaratif. Cela signifie que l’indivisaire acquéreur est réputé avoir toujours été propriétaire du bien, tandis que le prix payé aux autres indivisaires est assimilé à une soulte destinée à compenser la perte de leurs droits sur le bien vendu.
Cette analyse est d’autant plus justifiée lorsque l’acquéreur rachète l’intégralité des droits indivis portant sur un bien déterminé. Dans ce cas, l’indivision prend fin pour ce bien, ce qui justifie pleinement l’application de l’effet déclaratif. L’indivisaire acquéreur est alors censé en avoir toujours été le seul propriétaire, comme si ce bien lui avait été attribué lors d’un partage formel.
Cette approche, consacrée par la jurisprudence, a été renforcée par l’article 883 du Code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 1976. Le texte n’exige plus que l’opération mette fin à l’ensemble de l’indivision, mais uniquement à celle portant sur le bien concerné. Ainsi, l’effet déclaratif s’applique même si d’autres biens indivis subsistent dans la masse successorale.
c. L’application de l’effet déclaratif aux actes partiels et aux conversions de droits
Avant la réforme de 1976, l’effet déclaratif du partage était strictement encadré. Il ne s’appliquait qu’aux actes mettant définitivement fin à l’indivision dans son ensemble et exigeait la participation de tous les indivisaires. Cette approche rigide a été vivement critiquée par la doctrine, qui estimait injustifié de refuser l’effet déclaratif à des actes ayant précisément pour objet de substituer des droits privatifs à une appropriation collective.
La réforme entreprise par la loi du 31 décembre 1976 a profondément modifié cette approche en supprimant l’exigence d’une extinction totale de l’indivision. Désormais, un acte peut bénéficier de l’effet déclaratif dès lors qu’il met fin à l’indivision sur certains biens ou entre certains indivisaires. Il en résulte que même un partage partiel, c’est-à-dire un partage ne portant que sur une partie des biens indivis, est aujourd’hui doté de l’effet déclaratif. Il en va de même lorsqu’un indivisaire rachète les parts de ses coïndivisaires sur un bien spécifique : dans ce cas, l’indivision prend fin uniquement sur ce bien, mais l’effet déclaratif s’applique tout de même.
La reconnaissance de l’effet déclaratif s’étend également aux actes mettant fin à l’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Tel est le cas lorsque l’usufruit est converti en rente viagère, opération qui transforme la jouissance temporaire du bien en un droit patrimonial d’une autre nature. La jurisprudence considère désormais qu’une telle conversion est assimilable à un partage et doit donc bénéficier de l’effet déclaratif.
De la même manière, la conversion d’un usufruit en pleine propriété est traitée comme une opération de partage. Elle ne se limite pas à une simple modification du mode de détention du bien, mais entraîne une véritable mutation juridique, justifiant l’application de l’effet déclaratif. L’usufruitier converti en propriétaire est ainsi réputé l’avoir toujours été, et les droits éventuels qu’il avait pu consentir en tant qu’usufruitier s’éteignent rétroactivement.
B) Domaine quant aux biens
L’effet déclaratif du partage et des actes qui lui sont assimilés embrasse une large catégorie de biens, qu’ils soient corporels ou incorporels. Il s’applique aux biens qui étaient inclus dans l’indivision et à ceux qui, par subrogation, leur sont substitués. Cependant, certaines difficultés d’application se sont posées, notamment en ce qui concerne les créances héréditaires, les créances issues de la licitation d’un bien indivis et les créances relevant d’indivisions autres que successorales.
1. L’application générale de l’effet déclaratif aux biens de l’indivision
L’effet déclaratif du partage, tel que consacré par l’article 883 du Code civil, ne distingue ni la nature ni la qualification juridique des biens concernés. Il s’étend indistinctement aux meubles et immeubles, ainsi qu’aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient fait partie de l’indivision et qu’ils aient fait l’objet d’un partage, d’une licitation ou de tout acte ayant mis fin à l’indivision. Cette règle, qui découle directement du principe selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont échus, a été largement consacrée tant par la doctrine que par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 mars 1981, n°79-14.083). Toutefois, certaines limitations, tenant soit à la nature spécifique des biens, soit à des dispositions légales particulières, méritent d’être relevées.
a. L’application indifférenciée aux biens corporels et incorporels
Le domaine de l’effet déclaratif couvre l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient corporels ou incorporels, dès lors qu’ils font l’objet d’un partage ou d’une licitation. La loi ne distingue pas entre les catégories de biens et consacre ainsi une application uniforme de cette règle, quelle que soit leur nature.
==>Les biens corporels
L’article 883 du Code civil trouve à s’appliquer aux biens corporels, qu’ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, les immeubles faisant partie de l’indivision et attribués à un copartageant lors du partage sont réputés lui avoir toujours appartenu. Ce principe s’applique également aux meubles indivis, qui sont également soumis à l’effet déclaratif. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler ce caractère indifférencié de l’effet déclaratif en précisant que tout bien corporel intégré à un partage doit être considéré comme ayant toujours appartenu à son attributaire dès l’origine (Cass. 1re civ., 6 nov. 1967).
==>Les biens incorporels
L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux seuls biens matériels. Il s’étend également aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient été inclus dans l’indivision et attribués à un copartageant. Cette extension a notamment été consacrée par la jurisprudence en matière de fonds de commerce où il a été jugé que l’attribution d’un fonds indivis à un coindivisaire lors du partage entraîne l’effet déclaratif, le rendant rétroactivement propriétaire exclusif du fonds.
Dans le même esprit, la doctrine considère que l’effet déclaratif couvre également les créances dépendant d’une indivision, dans la mesure où celles-ci constituent un élément du patrimoine indivis (Cass. req., 7 août 1860). Cependant, cette application aux créances n’a pas toujours été admise sans réserve, et certaines décisions ont pu restreindre son champ en fonction de la nature des créances concernées (V. ci-après).
b. Les limites de l’effet déclaratif : exceptions et restrictions
Si l’effet déclaratif du partage présente un caractère général, certaines restrictions s’imposent en raison soit de la nature des biens concernés, soit de dispositions légales spécifiques qui viennent limiter son application.
==>L’exclusion des fruits et revenus des biens indivis
Un premier tempérament réside dans l’exclusion des fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits ne sont pas soumis à l’effet déclaratif et restent la propriété des indivisaires en proportion de leurs droits sur l’indivision. La Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’effet déclaratif du partage ne s’applique pas aux fruits et revenus perçus avant la cessation de l’indivision et a censuré une décision qui avait attribué à certains copartageants la totalité des fermages échus avant le partage, au motif qu’ils étaient devenus propriétaires des biens loués (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031)).
Dans cette affaire, un bien indivis donné à bail rural avant le partage avait généré des fermages dont les attributaires du bien avaient revendiqué la perception exclusive, en se prévalant de l’effet déclaratif du partage. La cour d’appel avait accueilli cette demande, considérant que l’attribution du bien leur conférait rétroactivement la qualité de propriétaires exclusifs et les habilitait à percevoir seuls les loyers dus pour les périodes antérieures au partage. La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que l’effet déclaratif ne saurait conférer rétroactivement à un indivisaire l’exclusivité des fruits et revenus produits avant la fin de l’indivision. Ces revenus conservent leur caractère indivis jusqu’au partage et doivent être répartis entre tous les indivisaires en fonction de leurs droits respectifs.
Ainsi, lorsqu’un bien indivis a généré des revenus avant son attribution à un copartageant, ces produits ne peuvent être réputés lui avoir toujours appartenu. Ils doivent être partagés entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs quotes-parts, sans que le partage ne puisse produire un effet rétroactif sur leur répartition.
==>L’exclusion légale de certains biens spécifiques
Certaines catégories de biens échappent à l’application de l’article 883 du Code civil en raison de dispositions législatives particulières. Tel est le cas, par exemple, en matière de brevets d’invention. L’article L. 613-30 du Code de la propriété intellectuelle exclut expressément l’application de l’effet déclaratif aux situations de copropriété d’un brevet ou d’une demande de brevet, en instaurant un régime spécifique à la matière. Cette disposition traduit la volonté du législateur de soumettre la gestion des brevets à un régime plus strict, distinct de celui du droit commun de l’indivision.
D’autres domaines spécifiques peuvent également donner lieu à des exceptions, en fonction des règles particulières qui leur sont applicables. Il conviendra donc, avant d’invoquer l’effet déclaratif, de s’assurer que la législation propre à chaque type de bien ne prévoit pas de disposition dérogatoire.
==>La prise en compte des soultes et compensations
Si l’effet déclaratif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus, il s’applique en revanche aux soultes versées entre copartageants. Une soulte, qui constitue une somme versée en compensation d’un lot excédentaire, est réputée avoir toujours appartenu à son bénéficiaire. Cette règle a été posée dès le XIX? siècle par la Cour de cassation, qui a admis que même une soulte versée sur les deniers propres de l’un des copartageants bénéficie de l’effet déclaratif (Cass. req., 7 août 1860).
Ainsi, si un indivisaire reçoit un bien d’une valeur supérieure à sa quote-part et qu’il compense cette inégalité par le versement d’une soulte à un autre copartageant, cette soulte est réputée avoir toujours fait partie du patrimoine de son bénéficiaire. Ce principe vise à garantir la cohérence de l’effet déclaratif et à éviter que le partage ne soit requalifié en opération translative.
2. Cas particuliers
a. Les créances héréditaires
La question de l’application de l’effet déclaratif du partage aux créances héréditaires a longtemps divisé doctrine et jurisprudence, en raison de l’apparente contradiction entre deux règles fondamentales du droit successoral. D’un côté, l’article 1309 du Code civil (ancien article 1220) prévoit que les créances successorales se divisent de plein droit entre les cohéritiers en proportion de leur part dans la succession. De l’autre, l’article 883 du même code instaure un effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués.
À l’origine, la jurisprudence appliquait strictement l’article 1309 et considérait que les créances successorales étaient divisées entre les héritiers dès l’ouverture de la succession, les excluant ainsi de l’indivision et du champ d’application de l’effet déclaratif (Cass. req., 23 févr. 1864). Cette approche signifiait que chaque cohéritier pouvait revendiquer immédiatement sa part individuelle sur la créance et l’exercer indépendamment des autres. Le débiteur de la succession pouvait également opposer la compensation à hauteur de la part de chaque héritier (Cass. req., 9 nov. 1847).
Toutefois, cette position s’est révélée insatisfaisante, car elle privait l’effet déclaratif du partage d’une grande partie de sa portée en ce qui concerne les créances. Un héritier pouvait, avant le partage, céder ou faire saisir sa quote-part de créance, ce qui compromettait l’égalité entre les copartageants. La jurisprudence a donc progressivement évolué vers une application distributive des deux articles, aboutissant à la célèbre décision des chambres réunies de la Cour de cassation dans l’arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907 (Cass. ch. réunies, 5 déc. 1907).
Cet arrêt opère une distinction selon le moment où l’on se place. Avant le partage, l’article 1309 s’applique dans les rapports entre les héritiers et les débiteurs successoraux. Chaque héritier peut alors exercer sa part de la créance, et le débiteur peut se libérer en réglant chaque cohéritier individuellement. Il peut également opposer une compensation pour toute dette qu’il détient à l’égard d’un héritier, sans que cette compensation puisse être remise en cause par le partage ultérieur (Cass. req., 25 févr. 1864). Cette solution repose sur la double nature du droit de créance : il est à la fois un lien de droit (vinculum juris) entre le créancier et le débiteur, et un bien faisant partie du patrimoine du créancier.
Une fois le partage consommé, l’article 883 prend le pas et s’applique exclusivement dans les rapports entre cohéritiers. La créance indivise est alors attribuée en totalité à un copartageant, qui est réputé l’avoir toujours possédée en exclusivité. Dès lors, les actes accomplis par d’autres indivisaires sur cette créance deviennent inopposables à son attributaire, sauf s’ils ont été régulièrement exécutés avant le partage (Cass. req., 13 janv. 1909). Ainsi, un cohéritier ne peut plus, après le partage, revendiquer une part sur une créance qui a été attribuée à un autre. Il en va de même pour une cession de créance consentie par un indivisaire seul avant le partage : elle est inopposable à l’attributaire final de la créance (Cass. req., 2 juin 1908).
Cette articulation entre les deux articles permet d’assurer un équilibre entre les droits des cohéritiers et les exigences de sécurité juridique. L’article 1309 garantit que chaque héritier puisse faire valoir ses droits sur les créances successorales tant que l’indivision subsiste, sans être tributaire de l’inaction des autres indivisaires. En revanche, une fois le partage réalisé, l’effet déclaratif de l’article 883 permet d’éviter que des actes de disposition antérieurs ne viennent compromettre l’égalité entre copartageants. Cette solution est aujourd’hui largement admise par la doctrine.
b. L’effet déclaratif sur la créance du prix d’adjudication d’un bien indivis
L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux biens matériels présents dans l’indivision. Il s’étend également aux créances qui en sont issues, notamment la créance résultant du prix d’adjudication d’un immeuble indivis vendu par licitation à un tiers. Dans ce cas, l’adjudication équivaut à une vente, et l’immeuble licité cesse de faire partie de l’indivision, tandis que la créance de prix qu’il génère vient s’y substituer et entre dans l’actif successoral à partager. Une fois le partage réalisé, cette créance peut être répartie entre tous les copartageants, ou bien être attribuée en totalité à l’un d’eux.
Une question essentielle a été soulevée quant à la portée de l’effet déclaratif dans ce contexte : l’attributaire de la créance doit-il être considéré comme ayant été le seul propriétaire du bien depuis son entrée dans l’indivision, et donc comme étant le seul vendeur au regard des tiers, ou bien tous les indivisaires doivent-ils être regardés comme ayant participé à la vente ? L’enjeu de la réponse à cette question est fondamental, car il touche au sort des droits réels que certains indivisaires auraient pu consentir sur l’immeuble avant la licitation. En effet, si seul l’attributaire final de la créance est réputé rétroactivement propriétaire, les droits réels accordés par d’autres indivisaires avant la licitation pourraient être anéantis. À l’inverse, si tous les indivisaires sont considérés comme ayant participé à la vente, ces droits réels devraient être reportés sur leur part du prix d’adjudication.
Initialement, la Cour de cassation avait retenu une interprétation stricte de l’effet déclaratif, en considérant que seul l’attributaire de la créance devait être regardé comme ayant été propriétaire du bien et donc comme ayant procédé à la vente (Cass. civ., 18 juin 1834). Cette solution conduisait à l’anéantissement des droits réels constitués par d’autres indivisaires sur l’immeuble licité. Toutefois, cette position a été abandonnée au profit d’une approche fondée sur la subrogation réelle. Désormais, la créance du prix d’adjudication est assimilée au bien vendu, et l’effet déclaratif du partage ne remet pas en cause les sûretés qui ont pu être constituées sur l’immeuble pendant l’indivision (Cass. civ., 21 juin 1904). Il en résulte que si un indivisaire a hypothéqué l’immeuble avant la licitation, cette hypothèque ne disparaît pas avec la vente, mais est reportée sur la part du prix d’adjudication qui lui revient dans le partage.
L’arrêt Chollet contre Dumoulin, rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 5 décembre 1907, a consacré cette évolution en affirmant que, si la licitation doit être considérée comme une vente à l’égard de l’adjudicataire lorsqu’il est un tiers, elle constitue dans les rapports entre cohéritiers une simple opération préparatoire au partage. Dès lors, la créance du prix d’adjudication est soumise aux mêmes règles que l’immeuble qu’elle remplace. Ainsi, si un héritier est tenu à un rapport en moins prenant et que la créance du prix est attribuée à ses cohéritiers en compensation du rapport dû, cet héritier est réputé n’avoir jamais eu de droit sur cette créance. Il en découle que ses créanciers personnels ne peuvent exercer de droit de préférence sur le prix d’adjudication, puisqu’ils ne disposent pas de plus de droits que leur débiteur dans la masse successorale (Cass., ch. réunies, 5 déc. 1907).
Cette solution se justifie par la combinaison de l’effet déclaratif du partage et du principe de la subrogation réelle. En effet, dès lors que l’immeuble est remplacé par une créance de prix, il est logique que toute sûreté constituée sur ce bien soit reportée sur la somme d’argent qui lui succède. Cette position a été confirmée par la jurisprudence moderne, qui admet que l’hypothèque consentie sur un bien indivis par un indivisaire seul est reportée, en cas de vente, sur la fraction du prix qui lui est attribuée dans le partage (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331).
L’admission de la subrogation réelle atténue ainsi la portée absolue de la rétroactivité du partage. En effet, bien que l’article 883 du Code civil établisse une présomption selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire des biens de son lot, la prise en compte de la situation de la masse indivise au jour du partage permet de préserver les droits des tiers ayant acquis des garanties sur ces biens avant leur attribution définitive.
c. L’extension de l’effet déclaratif aux créances issues d’indivisions non successorales
L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux successions. Il s’étend aux créances issues d’autres formes d’indivision, notamment l’indivision post-communautaire. Dans ce cadre, la jurisprudence a longtemps refusé d’appliquer l’article 1309 du Code civil, considérant que tant que la communauté n’était pas liquidée, les créances communes ne pouvaient être divisées entre les époux (Cass. req., 18 oct. 1893). Toutefois, cette position a évolué, et il est désormais admis que chaque époux peut réclamer sa part de créance sans attendre le partage. Dans un arrêt du 10 février 1981, la Cour de cassation a, en effet, jugé que, dès la dissolution de la communauté, chacun des époux est investi d’un droit personnel sur les valeurs qui en dépendent et peut, à ce titre, demander individuellement le règlement de sa quote-part dans les créances communes (Cass. 1re civ., 10 févr. 1981, n° 79-12.765).
Dans cette affaire, à l’occasion de la liquidation d’une communauté dissoute par divorce, l’une des parties revendiquait le droit d’agir seule en recouvrement de créances qui avaient appartenu à la communauté. Son ancien conjoint contestait cette possibilité, soutenant que tant que la liquidation n’avait pas été achevée, les droits de chacun des époux restaient incertains, excluant ainsi toute division automatique des créances. La Cour d’appel avait néanmoins condamné le débiteur des créances litigieuses à verser directement à l’épouse sa part correspondant à la moitié du montant dû, au motif qu’elle détenait des droits sur les valeurs de la communauté.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette approche, énonçant que la dissolution de la communauté confère immédiatement à chacun des époux un titre leur permettant de réclamer leur part des créances communes, sans attendre le partage. Ce faisant, la Haute juridiction a admis que la créance, bien qu’encore incluse dans la masse indivise au stade de la liquidation, pouvait être partiellement mobilisée par chacun des ex-époux, consacrant ainsi une autonomie certaine dans l’exercice des droits patrimoniaux post-communautaires.
Par cette décision, la Cour de cassation a confirmé que la dissolution de la communauté entraîne la division des créances entre les époux et leur permet d’en revendiquer le paiement, indépendamment de l’achèvement de la liquidation et du partage.
Cette reconnaissance d’un droit propre à chaque indivisaire sur une créance dès la dissolution ne remet toutefois pas en cause l’application du principe de l’effet déclaratif du partage. Si, dans leurs rapports avec les tiers, les indivisaires peuvent faire valoir leur part de créance indépendamment du partage, il en va différemment dans les relations internes à l’indivision. En effet, une fois le partage intervenu, l’attribution d’une créance à un indivisaire emporte l’effet rétroactif prévu par l’article 883 du Code civil, impliquant qu’il est réputé l’avoir toujours détenue. Cette conséquence, qui marque une rupture avec la logique de division immédiate des créances, permet de garantir la stabilité des attributions patrimoniales et d’uniformiser le régime des créances successorales et post-communautaires.
Dans les rapports entre indivisaires, ces créances sont ainsi soumises à l’article 883 du Code civil et bénéficient de l’effet déclaratif. Un indivisaire qui se voit attribuer une créance dans le partage est réputé en avoir été le titulaire exclusif depuis l’origine, ce qui a pour effet de priver ses coïndivisaires de tout droit rétroactif sur celle-ci. En conséquence, les actes de disposition accomplis avant le partage par un autre indivisaire sur la créance, tels qu’une cession ou une saisie, peuvent lui être inopposables (Cass. req., 2 juin 1908).
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